Carnet de route

Sortie Alpinisme Débutants Sancy

Le 22/01/2025 par Pierre

Sortie Alpinisme débutants du 19 janvier 2025

La sortie est initialement prévue pour être une sortie ski de rando. Vu les conditions assez déplorables de la sortie de la semaine précédente, en gros, skier sur des maigres bandes de glace, alternant avec des plaques d'herbe, les participants sont interrogés sur leur envie de transformer la sortie ski en sortie d'alpinisme.

Skier sur l'herbe est un plaisir suave, mais c'est un plaisir qu'il faut savoir économiser...

Une sortie facile, à destination des débutants est proposée. Certaines bases en progression dit de « terrain montagne » sur neige ne sont pas à négliger pour une autonomie en alpinisme. Après tout, dans la majorité des courses classiques, on passe une très grande partie de la course à corde tendue, en progression, sans relais. Ou bien en solo, on dit « auto-assuré », mais en réalité, cela signifie qu'il ne faut pas tomber (« ne pas se la mettre », en jargon d'alpiniste).

À la vérité, cela fait presque deux ans que l'initiateur n'a pas chaussé de crampons sur des chaussures d'alpi, et qu'il a passé sa semaine à comater, victime d'une grippe, ou d'un rhume, on ne sait pas. Une sortie tranquille sera le maximum de ses compétences.

Naturellement, les défections sont nombreuses, les débutants en ski de rando ne le sont pas nécessairement en alpinisme, et une sortie qui s'annonce comme une promenade dominicale ne fait pas rêver...

La promenade dominicale débute, malgré tout, par un RV à 7h30 à la SAE, afin de répartir avec l'autre groupe de la journée, le groupe des « experts », le matériel que le club peut prêter, cordes, crampons, chaussures, piolets, casques, DVA, pelles, sondes. Les pelles et les sondes resteront à Issoire. L'initiateur a une obligation de moyens, mais faut pas abuser des moyens.

Direction la station du Mont Dore. On choisira sur place ce qui semble le plus apte à faire de la progression sur neige dure, en faisant tout de même une belle balade.

C'est le Val de Courre qui nous attire le plus. Le Val d'Enfer est horrible à voir, des traînées de terre sur de la glace. Ce n'est même pas la peine de voter...

Du parking, on voit juste devant, le col qui est à gauche du Puy de Cliergue. L'initiateur connaît bien, c'est un itinéraire classique en peaux de phoques. Ça ne doit pas dépasser les 35°.

Jusqu'au pied de la combe, on marche dans l'herbe. Nous avons pris les piolets longs, ce qui est bien pratique dans les pentes d'herbe raides. Ça permet de rester debout sur ces deux pieds, en progressant tranquillement en zig-zag.

Chaussage des crampons. On apprend, enfin, on essaye d'apprendre la technique du piolet-canne, pieds à plat. Enfoncer vigoureusement le manche du piolet tous les deux pas. Il assure la sécurité. Quand on s'élève en diagonale, le pied intérieur, celui qui est coté amont, est en avant, c'est la position d'équilibre, c'est le moment de déplacer le piolet un peu plus haut. C'est anti-naturel, et donc il faut s'entraîner à le faire. Sinon, on déplace le piolet quand on est en position de déséquilibre.

L'encordement est une autre question et sujet de nombreux débats, qui alimentent les discussions au bar, dans la communauté alpine. S'encorder, ou ne pas s'encorder, telle est la question. Dans la situation de la présente sortie, la neige est gelée, la pente sera au maximum de 35°, peut-être 40° ? Avec des crampons aux pieds, et une certaine habitude, il est très peu probable de tomber. Par contre une glissade, même avec une connaissance de la technique d'arrêt d'une chute, en neige dure et en crampons, est quasi impossible à stopper. La solution est-elle de s'encorder ? Oui, peut-être... avec pas mal de précautions et de mises en garde.

En premier lieu, il est quasi impossible pour un second de cordée d'arrêter la chute du premier de cordé. Le premier a donc interdiction stricte de trébucher, glisser etc... sans quoi il entraîne la cordée. On a donc deux ou trois victimes au lieu d'une seule...

En second lieu, il faut que le premier de cordée se sente capable d'enrayer une chute de son second, ou de son troisième. Ça, l'initiateur, pour l'avoir expérimenté en situation réelle plusieurs fois, sait que ce n'est pas facile du tout. Pour simplifier, s'encorder dans une pente neigeuse n'est réaliste que si le premier a une grosse marge de sécurité dans sa progression, et que le second a un niveau beaucoup plus faible. 

Sinon ? Eh bien, première solution : faire des relais. Très long, et comme la perte de temps est aussi un facteur aggravant en alpinisme, il est souvent contre-productif de faire des relais sur des pentes modérées. L'autre solution ? Grimper sans corde. Au moins, s'il y a chute, il n'y aura qu'une seule victime. C'est la solution quand les deux ou trois membres de la cordée ont le même niveau. Il faut que chacun ait une bonne marge de sécurité.

Et si ce n'est pas le cas ? Si chacun ne se sent pas trop, et aimerait bien la corde ? Sachant qu'aucun des deux, ou trois, ne serait capable d'enrayer une chute ?

Eh bien ! C'est que la course est d'un niveau trop élevé, ce qui est rageant, car souvent, ce n'est pas nécessairement le passage clef de la voie, qui lui, pourra être protégé...

La solution raisonnable est de renoncer.

Difficile à admettre, mais c'est la vérité. L'expérience montre qu'on le fait rarement. L'attirance du sommet est trop forte, l'égo aussi joue son rôle. Alors on s'encorde, et on y va quand même. Heureusement, la présence de la corde joue un rôle totalement irrationnel, mais bien réel, et vérifié de nombreuses fois. Être encordé rassure, et donc potentiellement génère de la part du grimpeur une meilleure gestuelle, et amoindrit donc le risque de chute. La concentration reste maximale, contrairement à ce qu'il peut se passer quand on grimpe en moulinette par exemple, car être encordé, sans relais, en sachant qu'une chute de soi-même entrainera la chute de l'autre, engage sa responsabilité envers l'autre.

C'est un drôle de paradoxe que cet encordement sans point de protection ! Quand l'irrationnel se confronte au rationnel, la psychologie à la physique... 

Alors ? S'encorder ou ne pas s'encorder ? (en situation décrite pour cette course!)

Quand on vous dit que le sujet n'a pas fini d'être débattu !

Pour l'heure, l'initiateur de la présente sortie, qui n'est pas un guide mais un bénévole, embarqué dans cette histoire avec des compagnes de cordée qu'il n'a jamais vu cramponner auparavant, n'a pas le loisir de peser toutes les argumentations qui ont été vues plus haut. Un rapide coup d'oeil sur la pente au dessus, et sur la physionomie des visages qui l'entoure amène une décision qui semble être la meilleure. On va s'encorder.

L'encordement court s'impose. En fait, il ne s'agit pas pour le premier, ou la première, de cordée d'enrayer une chute du second, ou seconde. Il faut en permanence que le premier « tire » le second avec une tension de quelques kilos, si le second perd l'équilibre, il suffit juste de rattraper ce début de chute. En gros, arrêter la chute avant qu'elle n'arrive. Pas moyen de savoir où en est son second si la corde n'est pas tendue fermement. La corde est le lien physique qui informe et corrige. Ce n'est possible en outre, que si la distance entre les deux grimpeurs soit d'environ 1,5 mètres. (on parle toujours de progression sans possibilité de protection, becquets, pitons, sangles...)

N'en déplaise à certains, le rôle du second est donc essentiel. S'il ne respecte pas cette consigne de corde tendue, parce qu'il n'a pas envie d'être le boulet de service, parce qu'il trouve qu'on se traîne, ou toute autres raisons, légitimes ou non, il met en danger la cordée entière. Le premier n'y pourra rien... Globalement le premier ne peut rien sans son second.

Ben voilà, tout ceci étant parfaitement assimilé par l'ensemble des participantes, la progression s'effectue, avec des questionnements nombreux. Corde coté aval ou amont ? Les changements de direction entre les zigs et les zags ? Passer la corde entre les jambes avant ou après la conversion ? C'est la barbe du capitaine Haddock !

Tout le monde arrive au col. Bigre, que la pente paraît plus raide quand elle est vue d'en haut ! 35° ? On aurait bien juré au moins 50 !

Pause pique-nique. L'alimentation des meilleures cordées est essentielle pour la réussite des grands projets. Pique-nique sur l'herbe !

Pour digérer, quelques ateliers de confection de relais, juste un peu, car le vent n'est pas très chaud. Corps mort sur piolet, Abalakov, on teste et voilà. 

Retour par la crête jusqu'au col de Courre. La descente est choisie tout de même par des pentes un peu raides, on ne va pas quand même emprunter le chemin des touristes, d'ailleurs bien englacé. Cette partie supérieure du col est souvent en neige dure, voire en glace. Au vu du nombre de promeneurs qui s'y retrouvent, complètement hors de leur milieu habituel, on se demande comment il peut y avoir si peu d'accidents. Il doit tout de même y avoir pas mal de plaies et de bosses, et de jolies frayeurs...

En descente, en crampons, face à la pente, quand on a pas l'habitude, c'est comme si on descendait un escalier en s'arrêtant à chaque marche, jambe fléchie, façon squat. Avec les doigts de pieds en compote au bout des chaussures... 

Le fond du vallon est complètement en herbe. Pendant que l'on retire nos crampons, ce qui fait du bien, Betty, part loin devant, hors de notre vue et cache deux DVA (Détecteur de victimes d'avalanche). Pour une fois, on peut faire une véritable recherche primaire, ou recherche de signal. C'est amusant, et essentiel, de s'entraîner régulièrement. La prochaine fois, on mettra des œufs en chocolat avec les DVA !

Eh bien voilà, belle journée bien remplie et somme toute bien agréable.

Il ne nous reste plus qu'à trouver un rade où nous abreuver. Tous sont fermés sur le chemin, et c'est à notre port d'attache, Issoire, que nous trouverons une table de bistrot où nous pourrons relâcher la tension d'une si dure ascension.

 

CLUB ALPIN FRANCAIS ISSOIRE
MAISON DE L'USI
9 RUE DES COUTELIERS
63500  ISSOIRE
Activités du club