Carnet de route

Le CAF Issoire au Cervin

Le 23/09/2022 par ASSELIN Benoit

Du mercredi 21 au vendredi 24 septembre, un groupe d’alpinisme s’est élancé sur le Cervin, ou Matterhorn, en Suisse dont le sommet culmine à 4.478 mètres. Récit :

 

Mercredi

Départ du Puy de Dôme à 10 heures, pour dormie près de Zermatt en Suisse. Nuit dans un petit hôtel sympa. On a mangé local : crêpes bretonnes. Bonne nuit après une dernière douche chaude.

 

Jeudi

Il a gelé, il faut gratter le pare-brise. Direction Zermatt ! … Arrivé à proximité, c’est le temple du business ! On te fait garer à 20 kilomètres et prendre le train pour ne pas ennuyer la riche ville suisse de Zermatt. Parking souterrain, on s’équipe rapidement pour prendre le train, ouf à temps. Ensuite petit bus dans Zermatt (très joli, très bourgeois, Biarritz…). Dans le bus, première fois que l’on voit le Cervin… Wahou, très beau, dans un ciel splendide, ça s’annonce bien ! Puis les remontées mécaniques qui vont nous faire gagner 1000 mètres de dénivelé, reste alors deux heures de marche pour atteindre le refuge « Hornlihutte » situé à 3260 mètres. Nous arrivons au refuge non gardé en hiver de 20 places, il est quasi plein, on s’installe rapidement, premiers installés, premiers servis ! On aura bien fait d’autres personnes arrivaient et ils ont dû dormir dans la pièce où il y avait les toilettes, j’en ai vu un autre dormir dehors ! Nous n’aurons pas froid, refuge très bien isolé et avec 26 personnes, beaucoup de chaleur humaine.

On fait une pause et nous partons reconnaitre le départ de la course en montagne tant qu’il fait jour car le lendemain matin, à 4 heures, il fera nuit et se sera bien plus compliqué. Et déjà là, nous avons fait les 200 premiers mètres (sur les 1200 et quelques…), et bien ce n’est pas simple, rien n’est marqué, des traces qui partent partout, il y en a plus d’un qui se sont perdus… Bref, ça va être complexe. Il faut imaginer la face de la montagne avec plein de possibilités, mais tout aussi piégeuse et dangereuse si l’on s’écarte de l’itinéraire. Il faut passer au bon endroit, sinon ça peut être le drame. Et au bon endroit, c’est plus facile, mais c’est tout autant possible de se perdre tellement c’est vaste…

Retour au refuge pour diner, repas lyophilisé… hummm. Nous préparons les sacs et mettons le réveil à 3h15 pour un départ à 4 heures. Festival des bucherons ronfleurs, c’est le sport en refuge d’être le premier à s’endormir ! Heureusement les boules quiès sont là !

Je m’endors difficilement et me réveille vers 23 heures… que se passe t’il ? Qui se blottit contre moi ? J’enlève mes boule quiès et m’aperçois qu’un bonhomme arrivé dans la nuit s’est couché entre nous… mais là serré, serré… Nuit de m…

 

Vendredi

Réveil à 3 heures pour moi, je ne dors jamais bien en refuge. On se prépare, petit déjeuner chaud au muesli et on s’habille pour partir à l’aventure !

Celui qui s’était couché près de moi est un gamin d’une vingtaine d’année venu la fleur au fusil, sans eau, pour grimper en solo… On lui passera un peu d’eau, mais zut… quel c…

Départ sous un magnifique ciel étoilé, et c’est l’attaque. Dur pour les bras à froid, direct 50 mètres de vertical presque. J’avance bien avec ma partenaire, mais Raph et Sylvain n’avancent pas bien. Je leur mets la pression pour tenir le timing, sinon ça va être impossible. Le soleil se lève, il ne fait pas froid, trop beau. On se perd un coup, on rattrape l’itinéraire. Le jeune de la nuit se greffe à nous, ne connaissant pas l’itinéraire. Mais tout seul, sans corde, c’est suicidaire…

On avance bien avec Peggy, mais la seconde cordée avec les deux copains capitule à 3900 mètres, l’un des deux ayant surement un mal des montagnes. Ils font demi-tour pour rentrer tranquillement au refuge, le gamin les suit… Je continue avec Peggy, 4000 mètres, on arrive à la cabane du Solvay à 8 heures, un refuge de secours, dégueulasse, remplit d’immondices, avec des matelas et couvertures infectes… On n’est pas en avance, il faut pas trainer…

Premières neiges, glaces, on s’équipe avec les crampons, le piolet et on continue d’avancer. Progression pas simple, avec des passages bien durs physiquement, verticaux, heureusement il y a des cordes à demeure parfois… Sommet en vue, le final est facile avec de la glace pas raide, idéal pour les crampons, mais le souffle nous manque à cette altitude, je souffle énormément !

Sommet à 11 heures à 4478 mètres, quelle vue !

On ne traine pas, je sais que le plus dure est à venir… la descente, et ce n’est rien de le dire ! Puisque nous seront de retour au refuge qu’à minuit… !!! 13 heures plus tard... La descente était compliquée, toujours plus dur de descendre que de monter. Pour nous rassurer, nous réalisons un paquet de de rappels, ce qui est très long, mais très sécurisant.

Sur un rappel, nous descendons droit sur une plaque de neige qui me parait top pour rejoindre rapidement le chemin à 200 mètres plus loin. Malheureusement, vu du haut elle ne me paraissait pas raide cette plaque, mais une fois dessus, c’était bien pentue… beaucoup de temps déjà de perdu pour rattraper le chemin en sécurité.

Arrivé au chemin, je remplis deux grands sacs de congélation de 6 litres avec un maximum de neige et glace, nous n’avons plus d’eau et nous la ferons fondre au refuge. Moi je suis sec, ma gourde vide, j’ai passé une bonne partie de la journée à manger de neige et sucer de la glace… Ouf je n’ai pas choppé une gastro… mais à un moment, tellement sec, je n’arrivais plus à parler, la bouche sèche de chez sec !!!

On arrive à la cabane du Solvay pour faire une pause, se rhabiller, le soleil est parti de l’autre côté de la montagne, ça fait un peu frisquet mais pas trop. Et on repart. On se perd quelques fois, 5, 6 fois ? A chaque fois c’est une demi-heure à une heure pour retrouver l’itinéraire.

Et dans des conditions périlleuses, plusieurs dizaines de fois où il n’aurait pas fallu tomber, ça aurait été dramatique, voire pire… On désescalade, remontons… On n’avance pas vite.

Une cordée aguerrie et connaissant le chemin nous double vitesse grand V et nous dit que la nuit tombe dans une heure. Mais ils avancent vraiment vite qu’on les perd de vue rapidement. Zut !!!

Nous allumons les lampes frontales et continuons la descente avec prudence. C’est long, très long. On se reperd encore plusieurs fois, heureusement que j’avais le GPS avec la trace de la course pour nous rattraper, sinon, sincèrement, je me demande comment ça se serait terminé. Toujours galère pour rattraper le chemin original qui est non balisé.

Si rien n'est vraiment dur (il faut quand même grimper...) la recherche permanente d'itinéraire rend l'ascension, et encore plus la descente compliquée. Il y a très peu de choses pour baliser la course, aucune marque peinture, et il semble que les quelques cairns sont enlevés pour garder la difficulté et peut-être le monopole de guides suisse pas du tout cordiaux (et cela participe sans doute à mériter le Cervin comme l'une des montagnes les plus meurtrières..., la course est parsemée de plaques commémoratives...).

La lampe de Peggy affiche des faiblesses… Se retrouver sans lumière serait dramatique, impossible alors de bouger.

Nous faisons au mieux pour rester zen. La cordée qui nous avait doublé nous a dit que le mauvais temps n'arrivait que dimanche. Si on aurait dû passer la nuit dehors, ça ne m'inquiétait pas trop, la température était douce.... Mais ils se sont bien trompés, on se serait réveillé sous la neige, coincés pour de bon !!!

J’envoyais des SMS régulièrement à Sylvain et Raph qui étaient au refuge pour les rassurer, ils voyaient nos lampes frontales se balader dans la face immense de la montagne, ils ne devaient pas être rassurés aussi.

Et enfin, le dernier rappel, mission accomplie tout le monde est rentré à bon port, sains et saufs, c’est le principal ! Minuit, nos copains nous attendait pour manger avec nous. Nous sommes lessivés ! J’arrive à peine à manger, je suis déshydraté comme ce n’est pas possible !

On fait fondre la neige et obtenons 4 litres d’eau, je n’ai pas arrêté de boire toute la nuit. Je me couche pour un repos bien mérité… mais une série de crampes dans la cuisse me réveille douloureusement, jamais eu ça ! Entre stress, déshydratation, fatigue, altitude, j’ai bien joui… tu ne sais pas comment te mettre…

 

Samedi

A 3h30, des cordées me réveillent et se préparent à l’ascension, je me rendors.

Me réveille à 8 heures, les copains ont commencé à préparer leurs sacs, mais pas de stress, on n’est pas pressé.

Mais dehors il neige !!! Les cordées partis cinq heures plus tôt sont peut-être parties qu’il faisait encore beau ! Mais là ça doit être catastrophique, in-grimpable, aussi bien à la montée qu’à la descente… je ne sais pas ce qu’ils sont devenus… ils ont peut-être fait demi-tour avant que je me réveille.

Je fais mon sac après un petit déjeuner lyophilisé et retour au téléphérique après deux heures de marche jolie mais pénible à cause de la neige…

Et chemin inverse, téléphérique, bus, train, voiture, retour à la civilisation. Les gens qui nous voyaient avec notre équipement nous demandait si on avait escaladé le Matterhorm ?

Pourquoi s’infliger ça ? Les conquérants de l’inutile ! Sitôt montés qu’il fallait descendre. Des prises de risques nombreuses, calculés pour la plupart, et quelques-unes plus aléatoires qui auraient pu coûter chers, c’est sûr ! La beauté de la montagne, le dépassement de soi, l’aventure…

 

CLUB ALPIN FRANCAIS ISSOIRE
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